Les débuts aux Papeteries du Marais et à Lancey

En 1893:André Navarre est engagé en Avril 1893 comme Secrétaire de Direction à la papeterie de Marais et de Ste Marie à Jouy sur Morin (77) Morin près de Coulommiers. C'est dans cette Papeteries du Marais et de Sainte-Marie fondée en 1828 qu'il découvre l'industrie papetiere. Cette papeterie comprenait deux établissements, l'usine de Crèvecœur et l'usine de Sainte-Marie.usine marais Cette papeterie fit la renommée de Jouy-sur-Morin  pour sa fabrique d’assignats puis de billets de la Banque de France. Le lieu fut très sécurisé et surveillé. C'est là qu'il fait la connaissance de sa future épouse, Jeanne de Coëscon et qu'ils auront leurs trois premiers enfants. Son arrivée dans l'entreprise est annoncée lors de la séance du CA d'avril 1893 des Papeteries du Marais ou le directeur annonce avoir recruté comme secrétaire de direction, André Navarre "sur lequel il a eu les meilleurs renseignements.(Il rentre effectivement dans la société le 3 Mai 1893).Sous Dire ECPAndré Navarre progresse rapidement et devient Sous-Directeur comme l'indique sa demande en octobre 1897 pour que l'annuaire de l'Ecole Central soit modifié. Il demande que l’annuaire mentionne sa nouvelle fonction:« au lieu de Secrétaire de la direction mettre Sous-Directeur de la Société des Papeteries du Marais et de Sainte Marie au Marais par Jouy-sur Morin »(1er Avril 1898).

 

Refus ECP

 

 

 

 

 

 

Il semble se plaire dans cette entreprise et refuse une offre de poste que lui  propose l’Ecole Centrale en répondant par la négative le 17 Février 1897 et propose à sa place son camarade Moujaud promotion 1898 et précise que « il vient juste d'étre nommé le 1er Février 1897 Sous-Directeur de la Société des papeteries du Marais et qu’il ne désire pas en ce moment changer de situation-Je ne remercie pas moins l’association d’avoir pensé à moi ».

Et pourtant à fin 1997 il souhaite améliorer sa situation et par courrier du  21 Décembre 1997 répond à une petite annonce parue le 15 Décembre dans le Moniteur de la Papeterie reproduite ci-dessous.

Annonce Moniteur de la Papeterie 1897

« Monsieur, Je lis à l’instant dans le Moniteur de la Papeterie du 15 courant l’annonce suivante :Directeur très importante Papeterie, fabriquant tous les genres en blanc et en couleur  , se retirant, désire se mettre en rapport avec directeur jeune énergique , fabricant et administrateur ayant fait ses preuves ;Ingénieur de préférence-situation très sérieuse……..La proposition que cette annonce laisse entrevoir paraissant de nature à me convenir je me permets, Monsieur, de me mettre en ligne, et de vous exposer mes titres ; en vous priants s’il en est encore  temps de les transmettre à la personne dont vous êtes le mandataire en cette affaire.

 Je suis ingénieur de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures de Paris, sorti  Sixième de ma promotion en 1890.J’ai 29 ans, suis marié et père de 3 enfants. À ma sortie de l’école, mon année de service militaire achevée, je me suis occupé de construction en Belgique et à Paris, en Mai 1893, je suis rentré pour ne plus en sortir, au service de la société des Papeteries du Marais et de Sainte Marie comme secrétaire de la Direction-Je suis aujourd’hui  Sous- Directeur de cette Société. Mes fonctions depuis mon entrée ici peuvent se résumer en deux mots : Collaboration intime et de tous les instants à la direction de l’affaire au sens le plus absolu de ce mot «  Direction » -Les détails qui vont suivre vous permettrons  d’en juger-Je fais de ma journée deux parts :

La matinée : travail de bureau, correspondance commerciale (J’ai la signature de la Société) Règlement des approvisionnements de toutes matières – Comptabilité : Direction et vérification.

Après-midi  Je pars dans les usines ou je suis dans les moindres détails la fabrication, je règle compositions avec les contre maitres, je vérifie et fait analyser  les papiers, enfin j’étudie les nouvelles installations projetées-

Pour comprendre, Monsieur, l’étendue de ce labeur ai-je besoin de vous rappeler que nous avons 4 machines  à papier et que nous faisons tous les genres depuis le pur et magnifique chiffon à 200*

Jusqu’à la sorte la plus commune à 27*. Nous faisons les buvards et les doublés. Pour cette dernière fabrication j’ai même imaginé un appareil qui permet de doubler la fabrication et donne toute satisfaction. Mon temps est donc, vous le voyez, partagé entre l’administration et la fabrication, j’insiste là-dessus, l’annonce me paraissant attacher à ce point quelque importance. J’ajouterai, Monsieur, que ma situation ici est très bonne et que je l’a quitterai seulement si je suis assuré de faire le bond en avant dont je me sens capable. C’est vous dire, Monsieur, que je me confie en votre honorabilité bien connue pour assurer le secret le plus absolu à ma démarche, toute indiscrétion pouvant être de nature à me nuire considérablement. Il est d’ailleurs évident que si la personne qui recherche un Directeur veut me voire je suis à sa disposition pour un rendez-vous à Paris, si possible,-Je pourrais ainsi mieux me présenter, qu’il n’est possible en une lettre trop rapide. Comme références vous pourriez ,Monsieur, si vous le jugez à propos , vous adresser à Mr Vavasseur , Maire du II eme arrondissement , ancien conseil juridique du syndicat des fabricants en papier ; il me connait depuis longtemps et m’a suivi d’assez près dans ma carrière pour pouvoir répondre de moi-En vous priant d’excuser cette lettre trop longue je vous exprime, Monsieur, l’assurance de ma considération très distinguée,(Signé) André Navarre  (Sous ce pli enveloppe pour la réponse). »

Le 30 Décembre 1897, il écrit du Marais à Monsieur Pierre Goyard 14 rue Taillefer à Grenoble.

« Monsieur,

Je viens de recevoir votre lettre du 27 courant et je ne veux pas tarder plus longtemps à vous répondre pour vous remercier de la bienveillance que vous voulez bien me témoigner. Je comprends et apprécie, Monsieur, l’objection que vous faites à ma candidature en me disant que vous me trouvez « trop jeune en papeterie » vous me permettrez cependant de vous exprimer ma conviction qu’avec de l’énergie et de persévérance dans le travail j’arriverai sans peine , bien préparé comme je le suis, à parfaire rapidement ce qui pourrait ,comme détails, manquer à mon expérience-Je me sens capable d’un grand effort et je serais heureux de le donner pour arriver plus vite à la  situation que j’ambitionne. La direction que vous me dépeigniez entrerait parfaitement dans mes convenances .Je puis vous garantir mon activité, et j’aurai, j’en suis certain, l’énergie nécessaire, à la condition toutefois que mon patron me laisse les coudées bien franches pour tout ce qui sera de mon ressort-Loin de craindre la responsabilité, je la sollicite –Quant à mes prétentions, Monsieur, la question est on ne peut plus délicate, car, vous le comprendrez, les appointements à demander doivent différer suivant l’importance et l’avenir de l’affaire dans laquelle on veut rentrer, et aussi suivant les conditions locales : vie à la ville ou à la campagne (illisible mais probablement etc.).Vous ne m’avez pas confié de quelle papèterie il s’agissait et cet élément d’appréciation me fait défaut. Je vous dirai donc franchement ce qui en est : J’ai ici une situation Fr 10.000, mais l’avenir barré ou mieux retardé par un Directeur encore jeune. J’accepterai pour me déplacer ces mêmes appointements fixes mais avec une part à déterminer dans les bénéfices. Je suis en effet d’avis qu’un Directeur doit se contenter d’un fixe limité, mais avoir sa part des bénéfices qu’il aura puissamment aider à réaliser-C ’est seulement ainsi que, comme vous le dites, « la situation sera ce que l’intéressé saura la faire » 

J’ai appris avec plaisir que le propriétaire de l’usine dont il s’agit est un vétéran de l’Ecole Centrale, j’espère que s’il me prend à son service il n’aura pas à le regretter d’avoir accueilli un jeune qui ne demande qu’à travailler, et d’avoir confiance en lui-Veuillez, Monsieur, être assez aimable pour me répondre et me dire en même temps la production journalière de l’usine et le nombre de machines, et agréer l’expression de ma considération distinguée.

 Aristide Berges lui répond (Date non indiquée mais probablement aux alentours du 25 janvier)Berges

 

 

 

 

Monsieur,

Je viens vous confirmer mon télégramme de ce jour .En suite de votre visite et de notre conversation je viens vous offrir le poste de Directeur de mes papeteries de Lancey, comprenant la fabrication du papier et des (illisible).Le point capital de votre direction sera d’assurer la bonne marche des fabrications comme qualité et prix de revient du mieux des moyens existants.=Je me réserve en outre de vous faire intervenir pour tout ou partie dans la Direction commerciale.=La comptabilité tout en étant (illisible) en dehors de votre service vous donnera tous les renseignements nécessaires aux études des résultats indiciels et commerciaux.=Vos appointements seront de 12.000 Fr par an payables mensuellement, il vous sera en outre réservé une part  de 1/100 sur les bénéfice.=(en marge est signalé comme à insérer dans le paragraphe que le Délai (sous-entendu quand il sera libre puis la mention de logement, chauffage et éclairage sans doute à discuter)J’espère avoir toute satisfaction de vos services et de votre activité et je suis disposé à le reconnaitre ultérieurement  en augmentant dans la limite des usages votre part des bénéfices et votre intervention dans les affaires générales…….(Signé) Bergés

1898 lettre janvier 1

Réponse d'André Navarre à Aristide  Bergès à Lancey (Isère) le  28 Janvier 1898 écrivant du Marais par Jouy-sur-Marne (André Navarre a 29 ans, Berges 65 ans).Cette lettre dénote d’un « culot » monstre qui serait de nos jours inimaginable pour un candidat à un nouvel emploi…….

« Monsieur, J’ai reçu hier soir votre télégramme :« Lettre partie hier seulement »et ce matin, la lettre annoncée. Je suis d’accord avec vous, Monsieur, sur les conditions que vous m’indiquez : appointements, chauffage éclairage-les appointements devant être servis par mensualités régulières de Fr 1000 à la fin de chaque mois .J’ajouterai toutefois à votre lettre les clauses générales suivantes :

a)  Si j’apporte à Lancey de nouveaux appareils de mon invention vous me reconnaitrez une part particulière à déterminer dans les bénéfices résultant de l’exploitation de ces appareils,

b) De plus, si ces appareils font l’objet d’une prise de brevet, le brevet nous appartiendra par moitié.

c) Enfin, vous m’avez au cours de notre conversation, garanti Fr 2000 de part supplémentaire aux bénéfices si ces bénéfices atteignent 100.000 Fr- Nous pourrions ajouter  à cela –Pour tout prévoir (Souligné deux fois) –Si les bénéfices dépassent 100.000 Fr le Directeur aura droit à 4% de ces bénéfices.

Je regrette un peu, Monsieur, que la comptabilité générale soit isolée de mon Service, mais je reconnais que j’aurai sans cela assez à faire au début. Je ne doute pas d’ailleurs que si un inconvénient quelconque paraissait résulter de cette façon de faire vous n’hésiteriez pas à la modifier après un temps d’épreuve suffisamment long-Sauf circonstance imprévue , je serai libre ici le 1er Avril ,mais ,j’aurai probablement besoin , en quittant le Marais, de 3 à 4 semaines pour affaires de famille-Si donc avec votre assentiment , Monsieur, Mr Goyard (Directeur démissionnaire  de Lancey et qu’il doit remplacer)est assez aimable pour vouloir bien rester à Lancey jusqu’au 1er Mai je lui en serais tout particulièrement  reconnaissant-Cette date du 1er Mai est d’ailleurs une date limite,  car il est fort possible que le conseil d’administration du Marais en recevant ma démission me fasse libre aussitôt-Je ne serai fixé à ce sujet que dans le courant de la semaine prochaine, je vous en ferai part aussitôt. J’apprends avec plaisir que je puis avoir l’espoir de trouver à Lancey une maison assez bien disposé pour recevoir ma nombreuse petite famille, c’est un point qui m’inquiétait un peu-Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de mon bien respectueux dévouement.

 Vue de usine Lancey

En 1898: En Avril, il rejoint les Papeteries de Lancey, il obtint tout de suite la confiance d’Aristide Berges déjà à la fin de sa vie. Il devient  très rapidement, le Directeur Général des papeteries. Comme il était intéressé aux bénéfices, il en arriva à gagner plus que son patron qui lui en fit la remarque. André Navarre en convint et offrit de chercher du travail ailleurs, bien persuadé qu’il réussirait à faire une brillante carrière dans la papeterie.

En 1901:Il quitte Lancey en 1901.Henri Thouvard chef de fabrication de Lancey parle de lui en ces termes :

« D’un tempérament d’entraineur, homme d’action, d’initiative, c’était un plaisir de travailler sous ses ordres. Il avait à un suprême degré le don de commandement, ferme, tempéré, bienveillant ; d’un abord facile, il aimait à s’entretenir avec ses subordonnés, avec  ses ouvriers, n’hésitant pas, à l’occasion, de prendre leur avis sur tel ou tel point touchant la fabrication »

André Navarre à 37 ans, fort de son expérience  et surtout de ses avoirs, s’installe à Voiron et décide de devenir papetier propriétaire en s’associant avec deux familles papetières installées près de Voiron (Isère) : Les papèteries Lafuma. (Emile Lafuma âgé de 42 ans et Henri Lafuma âgé de 38 ans en 1908  seront témoins en Mairie de Voiron de la naissance d’Albert Navarre).Lafuma  possède l’usine de Paviot et Bertholet, d’origine ardéchoise (Annonay), exploite l’usine de Wesseling. Ce rapprochement donne naissance à la société Lafuma, Berthollet et Navarre au Capital de 1.6000.000 Fr. André  Navarre  est vraiment le chef de ces deux papèteries dont le directeur général est Eugene Veyron son beau-frère (ancêtre de Martin Veyron auteur de bandes dessinées).Le siège social est installé dans la belle bâtisse bourgeoise du 72 avenue de la Pateliére à Voiron qui est devenu l’hôtel Castel Anne de nos jours.

En 1903:Le 12 Mars 1903 André Navarre songeant à fabriquer lui-même sa pâte à papier rédigea une note de 8 pages sur un projet de création d’une usine à fabriquer la pâte mécanique de sapin avec cartonnerie. Cette note parvint à Aimé Bouchayer banquier à Grenoble qui lui propose de mettre sur pied cette affaire. En un an les cartonneries de l’Isère furent construites à Usine Champ-sur-Drac .Le siège social sera installé 34 bis cours Gambetta à Grenoble.

En 1931: André Navarre retournera,comme conseillé,aux papeteries du Marais après son éviction des Papeteries Navarre