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Jean et Pierre Navarre racontés par leur mère

30 mars 1916, Petit Parisien

Le sous-lieutenant Navarre qui a déjà abattu 7 avions Allemands  raconté par sa mère.

À Oullins, dans la banlieue de Lyon. ……une élégante villa dresse sa façade de briques rouges, rongée de lierre, au-dessus de la vallée de l’Izeron qu’elle domine. Des bruits de voix étouffés, des pas qui glissent rapides, sur le sable fin, des robes qui fuient, éperdues, et disparaissent dans la maison.

J'ai à peine le temps de voir. Le silence. Je suis seul sur la terrasse, devant une petite voiture où repose un poupon qui me regarde de ses grands yeux étonnés, puis plisse ses lèvres pour me sourire (Françoise dite Patou, épouse Pfyffer). Une domestique parait. Elle prend la carte que je lui tends, s'éloigne, revient l'instant d'après. Mme Navarre va vous recevoir. Dans le grand hall que dore une lumière blonde, une jeune femme brune, mince, vêtue de deuil, est debout. Et je ne vois d'elle, tout d'abord, que deux grands yeux noirs, des yeux de flamme.- J'avais juré de ne jamais recevoir un journaliste. Je m'étais promis qu'aucun ne franchirait la porte de ma maison. Mais j'ai été surprise, et puis vous êtes le Petit Parisien, je puis avoir confiance en vous. Mais d'autres…. Ils ont dit sur nous, sur mes enfants, des choses inexactes. Pis, ils me les ont fait dire. Des bêtises énormes, d'invraisemblables stupidités qui auraient été sans importance si elles ne s'étaient répandues, ne s'étaient enflées et grossies de bouche en bouche, ne s'étaient déformées encore. J'ai appris, un peu étonnée, avant hier, que ma famille, subitement s'était augmentée. J'aurais treize enfants, maintenant. On a raconté encore que mon Pierre avait été réformé. Lui, qui fut un élève du collège d'athlètes de Reims. Tout dernièrement, un journal ne va-t-il pas annoncé et c'a été un coup douloureux à mon cœur de mère que mon Jean avait été blessé. Où ? Comment ?  C'était une erreur. 

Nous sommes assis, maintenant et je peux mieux examiner Mme Navarre. Le corps élancé, nerveux, le visage maigre et pale, elle a quelque chose de masculin et en même temps de doux et tendre dans ses gestes et les intonations de sa voix. Ella fronce par moments ses noirs sourcils d'un air fâché. 

La vérité, poursuit-elle. ….La voici: ma famille est de vieille souche bretonne je suis la fille du chef d'escadron d'artillerie Pierre de Coëscon. Mon mari est d’origine béarnaise et appartient à cette famille Navarre, si appréciée dans les Landes, où son frère est conseillé général, ingénieur de l'École centrale, il est le fabricant de papier très connu… «  Je n'ai pas treize enfants, mais dix seulement. C'est déjà gentil. Cinq garçons et cinq filles. J'aime les partages bien faits, souligne Mme Navarre d'un joli et fier sourire de femme heureuse. Jean et Pierre, les deux jumeaux, Albert, Marcel, Jacques- Pierre, qui sont les garçons Kathi , Pépé, Memaine, Lulu et Françoise qui sont des filles. Et c'est tout ». Je ne puis rien vous dire de plus. Quoi? Que je vous parle de Jean ?.... Mais que vous dirais-je ? Il n'a pas d'histoire du tout pour moi. C'est mon Jean, et voilà. Ce qu'il fait?  Mon Dieu, je ne sais pas, je n'en sais pas plus que vous. II ne m'en parle pas. C’est par les journaux que j'apprends. Voyons Quel intérêt cela a-t-il ?.... Vraiment, vous y tenez? Vous voulez ? Allons, puisque cela vous fait plaisir. Et Mme Navarre raconte : Jean est né à Jouy-sur-Morin. C'est un enfant charmant. Pierre aussi, son jumeau,  est un enfant charmant. Ce sont deux bons petits gars. Ils s'aiment, ils s'adorent, ils se sont toujours aimés, adorés. Tout petits, quand Jean était privé de dessert, Pierre venait lui apporter le sien. Ils n'allaient pas l'un sans l'autre, ils ne vont pas l'un sans l'autre. Ils avaient, ils ont les mêmes goûts, les mêmes inclinations, les mêmes joies. Ils ont été élevés ensemble. Nous n'avons reculé devant rien pour leur éducation physique et morale. Ils ont voyagé ils ont pratiqué les sports, ils sont sains et vigoureux d'esprit et de corps. Ce sont deux beaux et bons petits gars… .Ah oui, vous savez ? Eh bien, c'est vrai Jean ne connait pas l'obéissance il ne sait pas, il n'a jamais pu plier son esprit, le courber à se soumettre. Ce n'est pas par méchanceté. Non. C'est parce que mon Jean est ainsi fait, c'est parce que c'est comme cela et pas autrement. C'est un joli caractère, c'est un caractère épatant. Je suis folle de lui et de ses frères, je suis folle de mes filles aussi. Mme Navarre relève la tête, radieuse et belle d'orgueil et d'amour maternel et avec un regard caressant qui va vers les être chéris si loin, si loin d'elle, elle ajoute Jean Navarre. Que voulez-vous savoir encore ? Sa jeunesse ? Ses études ? Mme Navarre, les yeux au plafond, réfléchit, fouille dans ses souvenirs. Son père voulait qu'il préparât l'École centrale, mais avec son caractère, songez donc Centrale. Centrale, disait Jean, oui c'est très bien mais après …il faudra rentrer dans une usine…des directeurs…des chefs…je n’aime pas ça. Après son bachot un stage à l'école d'athlètes de Reims, Il est entré à l'école d’aéronautique à Paris. Il a toujours, mon Jean, montré du gout pour l’aviation. Tout enfant, il avait, avec Pierre, acheté un petit moteur, un moteur minuscule qu'il avait payé 14 francs, puis, ils avaient construit un aéroplane. Dans les lettres qu'ils s'écrivaient, il n'était question que de leur appareil. Mesure de l'envergure les ailes, il faudrait modifier le gouvernail de profondeur, il faudrait placer là stabilisateur. Ils ne pensaient qu'a cet aéroplane, déjà ils étaient aviateurs. À l'école, d'aéronautique, on les conduisait, souvent sur le champ d'aviation et là, ils examinaient les appareils et regardaient voler les pilotes (Je ne suis pas plus bête qu'un autre, moi aussi je volerais bien. Il l’a prouvé n'est-ce pas, qu'il n’était pas plus bête qu'un autre.) Alors, vers le mois de juin 1914, avec l'autorisation de son père, il passa au Crotoy pour y avoir son éducation de pilote. Mais il n'eut pas le temps d'obtenir son brevet. La guerre survint.il fallut évacuer le champ d'aviation. On dit à  Jean: «  Nous vous donnerons un certificat constatant que vous êtes capable de voler. » Jean vint nous retrouver à Oullins. Tout de suite il tenta de s'engager dans l'aviation. Mais tous les postes étaient, occupés. Plus de place. Les listes d'engagement de Lyon avaient été closes en une journée; à Bordeaux on trouva Jean trop jeune. Vous êtes trop gosse pour voler » lui dit-on. Mon mari était furieux, mon Jean était désolé, mais il s'obstina. Conduit par M. Milliès-Lacroix, le sénateur des Landes, ami de la famille, il réussit. Enfin et le 2 septembre, n'ayant même pas encore de livret militaire, il était versé au centre d'aviation de Saint-Cyr. Mais peu de jours après, à l'approche de l'armée allemande, l'école d'aviation de Saint Cyr fut évacuée sur Tours. Là, encore de nouvelles difficultés, Jean n'avait pas son brevet de pilote Mais j'ai déjà volé », dit-il. -« Alors, pourquoi n'avez-vous pas de brevet ? Il fallut tout expliquer de nouveau. Il  fut envoyé à Bron, ici, tout près. Mais, à Bron, mon Jean s'ennuyait. « Je ne veux pas rester ici pour y moisir, nous déclara-t-il, j'ai mieux à faire, je veux aller au front. » Vers la Noël, après quelques semaines passées-il une escadrille, il abattait à Château-Thierry son premier avion …….et depuis. Oui, depuis. Mais chaque fois, madame, que votre fils a livré des combats aériens…. Mme Navarre ne me laisse pas achever. (Elle me regarde de ses beaux yeux profonds assombris, elle secoue la tête, sourit d'un sourire un peu mélancolique et dit d'une voix plus basse Non, je ne tremble plus. Et puis mourir. Quelle belle mort pour celui. ….la France ne m'en sera que plus chère. On dit que ce sont les berceaux qui nous attachent si étroitement à la patrie. Non Ce ne sont pas les berceaux, ce sont les tombes qu'on y laisse. Les berceaux, on se les emporte avec soi quand on quitte son pays. Les tombes restent. Je ne tremble pas pour mes fils, mais j'ai une sorte de pitié pour ceux qu'ils ont abattus. Un jour, j'ai dit, Les pauvres diables » Jean a hoché la tête, sans mot dire, mais Pierre a rectifié « Il faut dire les salauds». Lorsque Jean a été décoré de la médaille militaire, continue Madame Navarre, il m'a envoyé une lettre délicieuse. Il m'écrivait à l'heure même où l'un de mes enfants rendait le dernier soupir « Ma chère, petite maman, je viens de recevoir la médaille militaire, juste au moment où notre petit Marcel se mourait. » Je vous ai dit, tout à l'heure, que Jean ne me racontait jamais ce qu’il faisait c'est la vérité. Je l'ai vu, il n'y a pas longtemps, à Paris, D’où il était venu chercher un avion. Nous nous sommes promenés. Il avait toutes ses décorations, …on le regardait. J'étais heureuse. Je lui ai dit, raconte-moi, mon petit Jean, ce que tu fais là-bas. Il m'a répondu : Que voulez-vous que je vous dise. Maman? Et puis il a gardé le silence. Ce que je sais de lui, c'est par les mécanos que nous recevons ici que je le sais. Lui ne dit jamais rien, mais eux, ce qu'ils racontent de Jean est merveilleux. Cela me rend bien heureuse. Mais j'éprouve pour mes enfants plus d'amour que de fierté. Pourtant, j'ai le droit d'être fière de mon Jean, comme de mon Pierre.  Pierre Navarre, Mon Pierre vous ne le connaissez pas. Lui aussi, c'est un bon petit gars. Il s'est bien conduit. Il a fait de belles choses. Il a été cité plusieurs fois à l'ordre du jour. Après, on avait demandé des  volontaires pour déblayer une maison qu'un obus venait d'abattre, et sous laquelle étaient ensevelis (les officiers, un général et son état-major. Pierre s'est offert et, sous un effroyable bombardement, a aidé à retirer les victimes. Il y avait cinq jours qu'il était au front. Sa conduite à Notre-Dame-de-Lorette lui a valu «cette citation- «  D'une bravoure remarquable, plein d'entrain, a guidé de ses conseils, et par son exemple des troupes d'infanterie privées de leur chef. » Vous m'avez dit tout à l'heure, madame, qu'il avait été blessé ? Oui. Vous savez que mon Pierre est aviateur maintenant, comme Jean et près de Jean. Il y a quelque temps, il était parti avec une escadrille pour chasser des avions ennemis qui venaient de se montrer. Pierre poursuit et abat son adversaire, mais en se retournant, il aperçoit, derrière lui, un gros « Toutou » d'appareil qui crachait de toute sa mitrailleuse. Avant d'avoir pu faire face à ce nouvel ennemi, mon Pierre recevait, dans le bras, une balle qui lui coupait l'artère radiale. Il ne fallait plus songer à combattre. Blessé, perdant son sang en abondance, Pierre chercha à atterrir. Il y parvint et laissa tomber doucement son appareil, et après quelques pas tomba épuisé. Des soldats qui étaient là tout près l'emmenèrent à l'ambulance. Or, à ce moment, Jean lui aussi volait. Du haut du ciel, il vit un avion descendre sur le terrain. Et il descendit il son tour. À terre, il s'informa. «  C'est Pierre, votre frère, qui est blessé », lui répondit-on. Alors fou de douleur, je vous ai dit le grand amour qui les unit l'un à l'autre mon Jean sauta dans son auto, se mit à la recherche de son frère, alla d'ambulance en ambulance et finit par le trouver à Verdun, d'où il le transport lui-même, dans son auto, il l'hôpital de Bar-le-Duc. La voix de Mme Navarre résonnait calme, égale et pure. Elle parlait lentement, comme si elle racontait des faits très simples, des banalités de la vie courante. Elle se tut un moment, comme pour écouter quelque chose en elle-même. Puis elle me dit Voulez-vous que je vous fasse connaître mon Jean tout entier ? L'autre jour, à  Paris, un colonel qui le connaissait lui frappa sur l'épaule. Eh bien, Jean, on ne peut plus rien vous donner, vous avez la croix de guerre avez  sept palmes, la médaille militaire, la Légion d'honneur. Non, on ne peut plus rien vous donner. Vous allez vivre en peinard ».Il répondit mon Jean : » C’est vrai, on ne peut plus rien me donner, mais ce qu'on m'a donné, je dois le mériter davantage. N'est-ce pas que c'est un bon petit gars, mon Jean ? acheva Mme Navarre dans un joli sourire, et son jeune visage était  irradié de bonheur, de fierté et d'amour maternel. 

Jean AUGIER.