Conférence André Navarre le 27/02/1918 à la chambre de commerce de Grenoble. "Des conditions du développement de l’Industrie du Papier en France »
Nous retiendrons le passage extraordinairement moderne sur les conditions sociales dans les papeteries.
« De tous les problèmes de l’heure que traverse notre pays, le plus grave est le problème social……….Détenteurs par notre situation, d’une parcelle de l’autorité sociale……nous devons nous recueillir devant la responsabilité qui pèse sur nous……Après les hostilités, un ouvrier qui aura gagné ……des salaires élevés considérera surement comme une déchéance et une injustice de se voir ramener à un salaire plus bas pour le même travail. Il acceptera momentanément une réduction si c’est pour lui inévitable, mais il ne cessera de revendiquer comme normalement du son salaire maximum et cela même si la vie est devenue moins difficile. Il faut donc selon moi non pas espérer diminuer les salaires……mais faire en sorte de mieux utiliser notre personnel …….en inspirant assez confiance pour qu’ils n’apportent pas à leur travail cette mentalité déplorable du moindre effort qui est ,hélas !trop bien acclimaté chez nous et qui deviendra ….le plus grand obstacle …à nos efforts vers l’expansion mondial. Il faudra instruire la classe ouvrière pour lui faire comprendre que si pour le patron, tout travail mérite salaire, pour l’ouvrier : tout salaire mérite travail.et ne négliger aucun sacrifice pour démontrer à nos ouvriers que si l’on admet la notion arbitraire de divers classes dans la société, ces classes doivent s’entraider pour la prospérité commune et non haineusement se combattre ….Mais pour que nos leçons soient comprises ,il est indispensable qu’il sache qu’il peut compter sur nous ,que nous intéressons à sa famille, à ses enfants que nous l’accueillons sans intermédiaires lorsqu’il veut nous parler……..Aussi, Messieurs combien doit être scrupuleux le choix de nos collaborateurs …ils détiennent notre puissance et c’est seulement par leurs actes que nos ouvriers peuvent nous juger nous-même, nous devons jamais l’oublier……Les salaires payés par nous à l’ouvrier ne nous acquittent pas de toute notre dette ;nous avons envers lui une dette morale :nous lui devons protection contre tous les risques de la vie que le salaire normal ne peut prévoir. C’est ce que l’Etat ,sous la poussée du socialisme a voulu codifier …….Je crois que cette législation sociale est seulement à ses débuts et que nous devons de toutes nos forces la devancer si nous ne voulons pas que … elles nous soit imposée après avoir été faite en dehors de nous et trop souvent contre nous. Il me semble donc indispensable que tous, dans nos industries ,de concert avec nos ouvriers, nous étudions toutes les améliorations sociales possibles…………Et jusqu’ici, qu’avons-nous fait ?...............Nous n’avons donné nos soins qu’au côté technique……………..et peu à peu nos ouvriers se sont détachés de nous-ils sont allés toujours plus nombreux vers ceux qui ne leur parlaient que de l’amélioration de leur situation matérielle……Et, peu à peu l’infernale invention de la lutte des classes les a séduits…………..Sortons, Messieurs, de notre tour d’ivoire et sachons consacrer à la question sociale une bonne partie de notre temps et de nos peines-notre avenir, celui de nos enfants-celui de notre patrie-en d dépendent……Souvenons-nous toujours dans nos rapports entre nous, comme dans nos rapports avec nos ouvriers, que la parole …la plus grande celle dont les échos depuis des siècles se répercute plus puissant d’âge en âge, celle qui tomba un jour des lèvres du Christ, disant au monde étonné :« Aimez-vous les uns les autres »